L'Ordre national du Québec - Honneur au peuple du Québec - La plus haute distinction décernée par le gouvernement du Québec.

Remise de l'insigne de grand officier (2013)Kent Nagano

Transcription

Monsieur Jean-Paul L’Allier, O.Q. :

— Je regarde toujours si c’est le mien, mon discours, parce que c’est difficile de prendre celui de la personne qui nous a précédés ou qui va nous suivre!—

Madame la Première Ministre,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Membres du Corps consulaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Maestro Kent Nagano, votre famille,
Distingués invités et amis,

C’est pour moi, en tant que président du Conseil de l’Ordre et au nom de mes collègues qui sont membres du Conseil de l’Ordre, un grand plaisir de partager ce moment privilégié qu’est l’accueil, au rang suprême de grand officier, d’un nouveau membre dans l’Ordre prestigieux de la nation québécoise.

Maestro Nagano, vous allez entrer aujourd’hui dans le cercle restreint des grands noms de l’excellence québécoise. Votre altruisme authentique ainsi que votre sens poussé de la création et de l’innovation sont à l’image même de ce qu’est et doit être l’Ordre national du Québec. Vos sept années de dévouement constant à la tête de l’Orchestre symphonique de Montréal mériteraient que l’on souffle des bougies, tant vous avez suscité de fierté chez les Québécois et les Québécoises et tant vous avez insufflé un sentiment d’appartenance communautaire chez les Montréalais. Vous avez, en fait, créé, avec les gens d’ici, des liens bien réels et permettant une rencontre inédite, fructueuse entre la culture québécoise et la grande musique. D’une certaine manière, vous êtes entré dans le « cœur musical » des Québécois. Rares sont ceux et celles qui n’ont pas été interpellés par votre talent, votre engagement, votre présence et votre professionnalisme. Qui plus est, votre enthousiasme, à lui seul, pousse à aller de l’avant, à aller plus loin et à aller plus haut. — C’est presque la devise olympique, ça! — Musicien d’exception par excellence, vous êtes assurément un créateur d’émotions, offrant à la fois bonheur et confiance pour les gens de chez nous. De surcroît, vos qualités humaines et votre expérience artistique font de vous un admirable ambassadeur du Québec.

Dans quelques instants, vous allez intégrer une lignée de personnes exceptionnelles et vous rattacher ainsi à une histoire glorieuse. Votre nom sera gravé sur un monument érigé à quelques kilomètres d’ici, tout près du Saint-Laurent, fleuve aussi emblématique pour nous, Québécois, que la Baie de San Francisco l’est sans doute pour vous. Soyez, Maestro Nagano, bienvenu dans l’illustre famille de l’Ordre national du Québec.

Intervenante :

Merci, Monsieur le Président. J’inviterais maintenant la première ministre au lutrin.

Madame Pauline Marois :

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Vice-Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Consul général des États-Unis à Québec,
Monsieur le Représentant de la Bavière à Québec,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Maestro Kent Nagano,
Madame la Chef de direction de l’Orchestre symphonique de Montréal — ça me fait plaisir de vous retrouver, Madame Careau —,
Distingués invités et amis,

Depuis plusieurs décennies maintenant, la musique classique voit sa renommée grandir dans notre vie culturelle. De Wilfrid Pelletier à Charles Dutoit, et grâce au brio de combien de musiciens virtuoses, cette forme d’art, qui interpelle ce que l’esprit humain a de plus noble et de plus beau, s’est taillé une place de choix dans le cœur de nombreux Québécois. Elle fait toutefois partie de ces disciplines qui apparaissent parfois un peu hermétiques, au premier contact. Elle réclame du temps, de la patience et une intense curiosité, ce qui explique qu’elle soit trop souvent considérée, à tort, comme réservée à une certaine élite. Depuis quelques années toutefois, un homme a su faire tomber les dernières barrières qui subsistaient entre la musique classique et nous.

Maestro Kent Nagano, une vie de travail vous a permis de saisir et de révéler la finesse des œuvres composées par les grands maîtres des siècles passés et vos contemporains. Ces trésors, vous les partagez, pour le plus grand bonheur du public québécois. La générosité qui vous caractérise vous a gagné l’affection de tout un peuple. Votre passion vit à travers chacun de vos gestes : vous la traduisez en émotions; surtout, vous la traduisez dans notre langue, dans notre culture... vous la traduisez en québécois! La musique fait parfois appel à la réflexion, voire à l’introspection. Elle permet aussi de se divertir, de se détendre. Entre ces deux fonctions, vous avez résolu le dilemme : vous avez su allier le plaisir intellectuel au plaisir réel, concret, pour notre plus grand bonheur. Comme Beethoven, vous croyez que la musique classique doit appartenir à tout le monde. Toutes vos actions en témoignent, et cela, avec éloquence. Vous avez déjà dit de vous-même que vous étiez le fil conducteur par lequel le courant passe; le conducteur de train qui ouvre la voie à l’orchestre; celui qui permet au cœur et au talent de chaque musicien de s’exalter. J’irai plus loin et je me permettrai de vous dire que vous êtes également le parfait fil conducteur entre la musique classique et le cœur des Québécois.

Grâce à vous, à votre détermination, à votre passion, à votre dynamisme, l’Orchestre symphonique de Montréal a maintenant une maison bien à elle. Cette maison, elle est belle; plus important encore, elle est accueillante, tant pour le talent de nos musiciens que pour l’écoute des spectateurs, les plus exigeants comme les plus curieux. Vous ne l’avez pas seulement pensée pour l’OSM, vous l’avez bâtie pour Montréal. Vous l’avez voulue à la fois ouverte et intime pour que l’on s’y retrouve en famille, en communauté... pour que l’on s’y sente chez soi. Cette maison, si longtemps attendue, elle est désormais remplie d’oreilles attentives, d’yeux éblouis, de cœurs séduits. Vous y attirez toujours de nouveaux publics qui, conquis, en convainquent d’autres à leur tour. Dans cette maison, vous n’avez pas laissé la culture populaire à la porte; vous ne l’avez pas non plus fait entrer par la porte d’en arrière : vous l’avez accueillie à bras ouverts et vous l’avez mise en vitrine. Vous avez fait place aux créateurs de chez nous en commandant, notamment, des œuvres originales à des artistes comme Denis Gougeon, Yves Lambert ou Simon Leclerc. Vous avez joint la musique classique aux contes légendaires de Fred Pellerin, un autre membre de l’Ordre qui vous reçoit en son sein aujourd’hui. Découvrant Montréal, vous avez même eu l’instinct de voir que notre passion pour le hockey était assez grande pour mériter la puissance d’un orchestre symphonique.

Kent Nagano, vous avez su comprendre les Québécois, avec une rare sensibilité. Pour saisir l’âme d’un peuple d’une telle façon, il faut faire preuve d’une curiosité intellectuelle certaine et d’un profond amour du genre humain. De fait, votre implication va au-delà de votre carrière de chef d’orchestre, elle va au-delà de la musique elle-même : pour les gens de Lac-Mégantic, vous avez organisé par respect, par solidarité, un concert en hommage à leur courage, à leur détermination; pour les enfants du Québec, pour les plus démunis d’entre nous, vous n’hésitez pas à soutenir, avec l’OSM, des organismes comme Dans la rue, le Club des petits déjeuners, ou la Fondation du Dr Julien. Au-delà de nos frontières, vous faites aussi rayonner l’OSM, et le Québec à travers elle, sur tous les continents. On ne pourrait demander meilleur ambassadeur pour notre nation.

Maestro Kent Nagano, c’est un immense privilège pour notre métropole, comme pour tout le Québec, de vous avoir à la tête de l’Orchestre symphonique de Montréal depuis plus de sept années — comme le rappelait d’ailleurs si justement le président de l’Ordre. Aujourd’hui, le Québec vous dit que vous l’avez touché au plus profond de ce qu’il est. Nous voulons maintenant vous garder près de nous pour toujours.

Your family came all the way from California to be among us today. I hope they will be kind enough to keep on sharing their loved one with us. [Votre famille est venue directement de la Californie pour être avec nous aujourd’hui. J’espère qu’ils auront la gentillesse de continuer à partager leur bien-aimé avec nous.]

Parce qu’aujourd’hui, Maestro Nagano, nous vous reconnaissons comme un membre à part entière de notre collectivité, au nom du peuple québécois, je veux vous décorer de l’insigne de grand officier de l’Ordre national du Québec.

Intervenante :

Merci. J’invite maintenant monsieur le président à se joindre au groupe pour la remise du brevet.

Maintenant, la première ministre et maestro Nagano se dirigent vers la table pour la signature du livre d’or. Et j’aimerais souligner que les 873 personnalités d’exception qui ont déjà été nommées à l’Ordre national ont signé le livre d’or avant eux. Alors, maestro Nagano signe d’abord et il sera suivi par la première ministre.

Merci. J’aimerais maintenant inviter maestro Nagano à s’adresser à l’assistance.

Alors, Maestro.

Maestro Kent Nagano, G.O.Q. :

Madame la Première Ministre,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Membres du Corps consulaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Président de l’Ordre national du Québec,
Madame la Chef de direction de l’Orchestre symphonique de Montréal,
Mes chers collègues de l’OSM, qui viennent de jouer,
Et, si vous me le permettez, maman et mes deux sœurs,
Distingués invités et amis,

C’est un très, très grand honneur de recevoir cette distinction aujourd’hui, pour laquelle je suis profondément touché, reconnaissant et je suis accablé d’émotion.

Normalement, je peux parler un peu mieux que je parle maintenant, même si mon français n’est pas parfait. Mais vraiment, je suis tellement touché par les mots que madame la première ministre a dits que je crains de ne plus être très professionnel. Je vais faire de mon mieux. En fait, ce matin, j’étais tellement émotionnel que j’ai appelé à la maison et parlé avec ma femme et ma fille. J’ai demandé à ma fille, particulièrement — parce qu’elle est teenager et qu’elle sait tout : qu’est-ce que je dois dire? Et ma fille a dit : « Oh, papa! Juste... c’est très important de parler avec votre cœur! Mais, papa, le plus important est que vous ne parliez pas trop. » Je suis bien conscient que c’est la plus haute distinction que l’État québécois peut donner, et c’est un privilège de recevoir cette reconnaissance d’une telle distinction. Mais, je dois dire aussi que je suis confiant et conscient que cette distinction vient avec certaines responsabilités; responsabilités envers le Québec, sa culture, son bien-être et, surtout, pour son futur.

Peut-être, étant un Américain qui a vécu en Europe et aussi en Amérique du Nord, que je suis particulièrement sensible à comprendre que le Québec est tellement spécial. Sa beauté, les traditions tellement riches, la grande histoire passée, comme c’est une société d’innovation, de détermination avec, peut-être au moins pour moi, une capacité, un potentiel de leadership et de pertinence dans le 21e siècle. Je trouve que le Québec est tout simplement un endroit au monde particulièrement spécial.

Je ne sais pas pourquoi, mais — parce que normalement, quand je me lève au matin, j’ai la musique dans ma tête — peut-être que c’était quelque chose à voir avec mes collègues qui ont joué jusque très tard hier soir, qu’ils ont joué tellement magnifiquement que, aujourd’hui, une symphonie était dans ma tête tout au début, quand je me suis réveillé. C’était la symphonie de Mendelssohn, la quatrième symphonie que peut-être vous connaissez; ça s’appelle Italienne. Dans cette symphonie, on entend confiance [il chante], créativité, brillance, détermination et, surtout, le sens de l’optimisme. Pour moi, ça, c’est le Québec : virtuose, compulsif avec un plus qui ne cesse pas. J’ai réfléchi, quand même, que cette symphonie a été écrite pendant le début de la révolution industrielle,qui fut une des plus explosives dans toute l’Histoire. Mais quand même, malgré que cette révolution industrielle ait complètement changé la vie des gens, ça reste plein de joie et d’optimisme. Comme vous le connaissez probablement, Mendelssohn était une grande star du monde, et également à la maison, en Italie, Allemagne, Angleterre, France. Et c’est lui qui a canalisé son énergie pour créer un des premiers conservatoires de musique au monde. Et il a créé ça à Leipzig. Beaucoup plus important, plus loin que sa musique, il a introduit au monde, qui était en train de changer rapidement, un mode d’éducation qui était particulièrement discipliné et d’exceptionnellement haute qualité. Cet enseignement, de la qualité la plus haute, était formulé par Mendelssohn parce que, quelque part, il a reconnu que le lien entre l’éducation et une société pleine de succès n’est pas cassable. En plus, il a fait grandir et a créé son idée, son idée d’un orchestre symphonique; et son idée qu’un orchestre symphonique doit avoir une maison dans laquelle pas seulement l’orchestre, mais la société peut venir ensemble pour se rassembler. Et il a créé les deux : l’orchestre symphonique et aussi la maison, qui s’appelait le Gewandhaus. Et ce Gewandhaus, peut-être vous connaissez, était un tribut pour l’industrie du textile de Leipzig. Ce n’était pas pour un grand entrepreneur, ce n’était pas pour fêter un grand sponsor, un grand mécène, mais c’était pour fêter le business de Leipzig. Et en plus, Mendelssohn a suggéré que les membres de l’orchestre ne portent pas des robes d’aristocrates ou des robes de rois. Non! Il a demandé que les musiciens portent les vêtements de tous les jours. C’est pour ça que, même aujourd’hui, les membres de l’orchestre symphonique, on porte ce qu’on appelle le frac, ce pingouin suit [costume de pingouin]. C’est parce qu’à l’époque de Mendelssohn, ce frac était le frac des entrepreneurs, le frac que l’on portait tous les jours. Pas les grandes robes de l’église, pas les couronnes des rois, c’était tout simplement peut-être la même chose qu’un polo shirt ou un jeans ou quelque chose que les gens portent aujourd’hui. Il a voulu que ses musiciens montrent que l’orchestre est du peuple. Il a voulu montrer, par le nom de son orchestre, que l’orchestre appartient à la société, son industrie, que l’orchestre était cosmopolite et avait la même fierté que la ville de Leipzig. C’était un grand contraste, par exemple, pour la ville juste à côté, qui s’appelle Dresden, qui a eu un roi qui était omniprésent, qui a gardé son opéra dans son château, gardé sa salle de performance dans son château. Mais Mendelssohn, il ne voulait pas avoir d’aristocratie là-bas. Non! Il a voulu partager sa musique et la musique de Beethoven, la musique de Mozart, la musique de Bach avec tout le monde. Comme vous le savez, il a écrit quelques œuvres qui, aujourd’hui, sont parmi les plus populaires au monde : son fameux Concerto pour violon qu’il jouait régulièrement. Et beaucoup de monde se sont mariés avec sa musique de mariage, par le Songe d’une nuit d’été... tellement, encore une fois, optimiste!

Pourquoi les compositeurs d’aujourd’hui n’écrivent-ils pas avec cet optimisme aujourd’hui? Pour moi, je trouve cette question très, très intéressante. Quand même! Notre temps, notre ère aujourd’hui est similaire au monde industriel. Avec toutes les grandes technologies d’aujourd’hui — Apple Computers, Microsoft —, les rêves deviennent réalité dans un instant! Je pense aux cell phones [téléphones cellulaires] par exemple. Ma femme a acheté un nouveau iPhone, il y a cinq ou six mois, et ma fille a appelé ça : « Oh! Maman, c’est tellement vieux! Il y a déjà des nouveaux “aps” à avoir! » Et juste il y a deux semaines, j’ai vu, sur l’avion, un film de James Bond. Et j’ai vu la taille de cell phone que James Bond a utilisé, et c’était comme une brique; c’était énorme! Qui aurait pensé que les smartphones et iPad allaient venir dans seulement huit ans? Seulement huit ans! Le monde a changé... Mais, notre musique et la mine générale collective ne reflètent pas cette énergie, à mon avis. Je ne sens pas la même créativité et l’optimisme que Mendelssohn a senti pendant le 19e siècle. Et c’est un paradoxe pour moi! Je suis préoccupé par ça, parce que j’ai, en plus, lu une histoire — ce n’était pas vraiment une histoire, c’était plutôt une étude — dans le Süddeutsche Zeitung, un des plus grands journaux allemands, qui a cité des statistiques disant qu’aujourd’hui, malgré le fait que nous ayons, chaque individu, en général beaucoup, beaucoup plus que nos parents ont eu, notre génération, on a tendance à se sentir plus pauvres. Quelle est la base de ce paradoxe? Par l’anthropologie et l’Histoire, on voit qu’il y a fondamentalement, dans le caractère des peuples, deux côtés : sur un côté, on voit la capacité pour un grand professionnalisme manifesté par le métier. On dit en allemand handwerk, on dit en anglais craftsmanship : l’habileté de faire des choses formidables, que représente la technologie de ce jour. De l’autre côté, on voit que les gens sont aussi capables d’appliquer ce qu’ils ont fait vers l’orientation de la capacité intellectuelle et l’esprit de l’être humain. Autrement dit, l’Histoire nous montre que dans les civilisations qui ont le plus réussi, les gens ne sont pas contents de tout simplement faire, tout simplement gagner de l’argent ou assembler et obtenir les choses, mais dans les plus de réussies, on voit qu’il y a un concern [souci] de faire de l’implication pour l’humanité. Ce n’est pas aussi facile à faire qu’on le pense! On habite dans un monde de robots, de computers [ordinateurs], de télévision et 24 h de nouvelles CNN... comment est-ce qu’on peut appliquer toutes ces techniques pour représenter l’humanité? Mais c’est possible! L’Histoire nous le dit. Les métiers peuvent faire et peuvent produire. Mais aussi, c’est possible que cela provoque la création spirituelle dans le monde.

Je ne sais pas... je parlais avec madame Careau, juste il y a quelques minutes. J’ai dit qu’aux États-Unis, et aussi au Canada, en Amérique du Nord, il était — peut-être que ça existe toujours — un club pour les enfants des fermiers, les enfants des gens qui ont le métier d’agriculteur, et ça s’appelle le Club 4-H. J’étais membre, évidemment, parce que j’ai grandi dans une ferme d’artichauts, alors c’était normal que j’avais à être membre. Notre symbole de Club 4-H était quatre feuilles de trèfle, four leaf clover, et on a appris que chaque feuille veut dire la tête, les mains, le cœur et la communauté. Est-ce que cette combinaison est toujours pertinente aujourd’hui? La tête, les mains, le cœur et la communauté? Évidemment, vous qui êtes les leaders de notre société, vous êtes nos leaders aujourd’hui. Nous les simples gens, nous les musiciens, nous les gens de la rue, on oriente nos yeux vers vous. Quelque part, il faut croire que ça existe, sinon tout est perdu. Moi, je crois! Et je trouve, après avoir réfléchi, que peut-être il y a une chose qui donne une sorte de réponse, et c’est l’éducation et l’idée d’éducation. Pas simplement la façon dont on peut utiliser l’éducation pour gagner une meilleure vie, mais comment est-ce qu’on peut utiliser l’éducation pour être au top du métier, pour qu’on puisse aider la gestalt, ou la forme de la société. Ce phénomène de social help [aide sociale], ce qu’on dit en anglais, et d’éducation, c’est une chose qui est concrète. C’est prouvé, encore et encore une fois, qu’éducation et social help sont directement liés. Peu importe l’occupation d’un individu, il est possible de développer quelque chose qui est fondamentalement plus important pour le total, pour la communauté qu’uniquement pour nous seuls. Material success, le succès matériel, n’est pas assez. Nous, on sait. Seulement, material success, c’est, par la nature, élitiste et peut très, très facilement devenir narcissique. Ça n’aide pas notre vie collective. Et aujourd’hui, j’entends qu’à l’école, il y a de plus en plus d’étudiants qui choisissent la science, la technologie, et de moins en moins qui focus [se concentrent] sur l’humanité, les beaux-arts, les sciences sociales. C’est parce que, selon les professeurs, les sciences et les technologies sont vues comme un moyen de gagner de l’argent. Mais... où est le caractère? On a tous été enseignés que pour être vraiment quelqu’un qui peut être vu comme une successful person [personne ayant réussi], tout ça est dans le caractère. Le caractère social des gens est quelque chose qui est plus que subjectif : c’est objectif, c’est quelque chose qui est « factuellement » supporté par la recherche. Autrement dit, on sait tous que, tout simplement de penser économiquement, ce n’est pas assez. Une société, ça réussit avec d’autres sources. Et moi, j’aimerais que l’OSM, maintenant, on mette un focus sur ces autres sources. Pourquoi? Je vois les jeunes qui, peut-être, méritent d’avoir beaucoup, beaucoup plus d’optimisme dans leur vie. Pour nous tous, le plus... formidable, et peut-être la chose qui est la plus précieuse, c’est notre prochaine génération. Si notre prochaine génération n’a pas une place dans la société, s’ils n’ont pas une sensation, s’ils n’ont pas un sentiment qu’ils sont DE la société, s’ils ont un problème avec leur identité, si leur égo n’est pas allié avec le total, avec la société, qu’est-ce qu’ils peuvent faire? Je suppose que je suis en train de dire, vis-à-vis d’impliquer l’OSM envers leur éducation, qu’au moins, je vais faire tout ce que je peux pour aider. Je crois que l’application de la beauté et de l’art doit être une façon de communiquer, que c’est la même chose que l’espoir. Beauté, créativité... ça mène à une certaine discipline, la responsabilité, l’habilité de penser d’une manière abstraite, pas aliénable. Et comme on l’entend dans la symphonie Italienne de Mendelssohn, on entend le hope [espoir] dans la musique. Ce n’est pas quelque chose d’invisible : on peut sentir, on peut entendre la confiance, on peut entendre la détermination et on peut entendre le dessein d’un monde qui peut être beaucoup plus que juste une collection de choses matérielles. Dans l’esprit de Mendelssohn, il a créé le premier conservatoire à Leipzig parce qu’il a compris ce lien entre beauté et le succès d’une société.

C’est ça que j’aimerais maintenant, avec l’OSM, faire pour le Québec : un orchestre et un phénomène. C’est une forme, une représentation. En fait, un orchestre est une métaphore pour la société, un symbole pour la communauté. Nous, l'OSM, devons essayer d’amener la lumière et nous devons essayer d’éduquer la prochaine génération à la signification de ce symbole. En fait, si on regarde dans le monde, les grandes nations qui ont du succès ont compris cela. Ce n’est pas un accident si aujourd’hui, la Chine est en train de construire beaucoup, beaucoup de salles de concert. Ce n’est aucun accident : les gens comprennent instinctivement que la beauté va avoir un impact sur le succès de la société.

Aujourd’hui... vous tous, comme j’ai dit, qui êtes les plus grands leaders que nous ayons ici, à Québec et au monde, vous m’avez donné une reconnaissance qui est tellement grande pour moi qui suis juste un artiste. Comme j’ai dit : je suis profondément ému, profondément touché. J’espère que cette reconnaissance montre qu’on a au moins donné un peu pour servir le Québec et, peut-être plus important, que nous allons servir la prochaine génération. Votre reconnaissance, aujourd’hui, sert de grande motivation pour moi, et aussi pour tout l’OSM parce que quand je reste devant vous, je suis, en fait, devant vous au nom de l’OSM. Cette reconnaissance, aujourd’hui, nous motive à faire encore plus pour que nous puissions rayonner tout ce qui est tellement brillant et unique du Québec, tout ce qui est grand du Québec, pour la prochaine génération et pour le monde, plus loin. Je suis très fier d’être devant vous aujourd’hui et j’aimerais remercier profondément, avec tout mon cœur, le gouvernement du Québec et la première ministre, et le peuple du Québec. Merci beaucoup!

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