Arlette Cousture a été nommée chevalière de l’Ordre national en 2012. Son talent d’écrivaine a non seulement été reconnu par le public, mais aussi grâce aux prestigieuses récompenses qui ont jalonné son parcours. Elle a reçu le prix littéraire de Radio-Canada en 1978, fut nommée Grande Montréalaise en 1995, reçut l’insigne d’officière de l’Ordre du Canada en 1998 et mérita le Grand prix littéraire de la Montérégie en 2004. Elle a publié de nombreuses œuvres à saveur historique où les femmes occupent le devant de la scène.
Sans prétention aucune, je peux dire que je n'ai jamais choisi d'écrire ayant davantage eu hâte de tenir mon premier livre. À huit ans, on publiait, dans un magazine, ma petite composition sur la montre que m'avait offerte ma marraine pour ma première communion. À douze ans, en exil au Manitoba — j'y étais pensionnaire, ahah — je remportais un autre prix : un livre publié chez Fidès. Puis ce fut le premier prix au Concours des auteurs dramatiques radiophoniques de Radio-Canada en 1979. Dès que j'ai pu lire et écrire, vers les cinq ans, j'ai su que j'étais destinée à l'écriture. Je ne me suis jamais interrogée sur ce destin, je m'y suis pliée avec le plus grand des bonheurs.
Mon choix en a été un de curiosité : découvrir la vie qu'avait menée ma mère en quittant la ville pour rejoindre les colonies le long des voies de chemin de fer, tel que souhaité par le curé Labelle, entre autres. Je sentais une urgence de le faire : ma mère approchait de ses soixante-dix ans et sa santé, quoique assez bonne, avait été taxée à quelques reprises. C'est en parlant de cette époque, la plus heureuse de sa vie, à mon avis, qu'elle a révélé, par erreur, que ses parents « n'avaient pas vécu ensemble » toute leur vie. Ils s'étaient séparés au début du XXe dans ce Québec de robes noires, de voiles et de cols romains. La fille en moi a cédé le pas devant la petite-fille et j'ai porté mon attention sur cette femme qui avait, je l'appris, péniblement gagné sa vie. Il était difficile à cette époque de travailler, surtout pour une femme seule et mariée et non seule et veuve. Grâce au Curé Grenier, curé de St-Tite-de Champlain, au début du XXe siècle, elle a pu le faire, probablement en contournant la loi de l'enseignement public. Sa famille ayant éclaté avant l'heure des séparations et des divorces, cette femme que je ne connaissais pas du tout m'a attirée. Après ces deux premières femmes déterminées, c'est le moins qu'on puisse dire, il y a eu celles de Ces Enfants d'ailleurs, mon Amérindienne, ma veuve et ma postière de Tout là-bas. J'ai adoré la narratrice de j'Aurais voulu vous dire William et plus récemment, Violette, Angélique et Margaret de Petals'Pub. Je suis plus à l'aise avec un corps et une tête de femme quoique j'aie toujours peur d'être trop indiscrète sur nos secrets!
Quelle belle question. Je dirais que oui. Les femmes ont le ventre qui a couvé semence et fruit. Nos femmes, celles de ce Québec en survie saisonnière et séculaire, ont porté les flambeaux de l’éducation, de l’instruction, du développement. Je leur rends un hommage ému, d’autant qu’on a occulté celles qui ont réussi à se distinguer dans le monde des affaires, des écrits — rappelons-nous les Laure Conan — Laure Gaudreault, Thérèse Casgrain et, je dois le dire, de ces religieuses qui ont géré les hôpitaux, les écoles primaires et secondaires, les écoles d’infirmières, les orphelinats sans omettre le « service » compris des religieux, etc. Elles ont entretenu à coups de torchons et de vadrouilles, tous les édifices du Québec. Nos femmes ont eu l’œil tourné sur l’heure du quotidien. Je crois que ce rôle, ici comme ailleurs, leur a été dévolu d’emblée ce qui a mené à une prise de conscience d’une espèce de raz le bol collectif aussi nommé féminisme.
Vous me faites voyager dans le temps. Au cours des années 80, j’ai travaillé au dossier Égalité des Chances à Hydro-Québec. Je ne suis plus au fait des statistiques actuelles de cette société, mais m’est avis que le 26 % des membres de l’Ordre, ressemble probablement au pourcentage de femmes cadres dans les entreprises, à la députation féminine, etc. Entre vous et moi, j’espère errer. On voit cependant des changements dans les universités, en médecine entre autres, mais encore là, on doit s’adapter aux ventres qui couvent semences et fruits…
J’ai passé tout droit à mon engagement féministe! J’ai toujours pu faire à ma tête. Probablement un héritage de mes mères. Je faisais des études classiques dans les années 60, oui, oui, les huit ans, privilège durement acquis par certaines filles dont les parents soutenaient encore que la femme devait compléter l’homme et conséquemment ne pas faire les mêmes études. Ma sœur aînée, par exemple, fréquentait un Institut familial où on lui apprenait, la bienséance, la couture, le tricot, le crochet, la comptabilité et tutti quanti! Elle a par la suite fait un cours d’infirmière, mais je ne crois pas que cela était un choix existentiel. Elle était heureuse à l’école des Beaux-Arts et devant son chevalet. Ma sœur puînée a bifurqué après ses quatre années de secondaire scientifique pour s’arrimer aux quatre dernières années du Classique.
Quant aux causes qui retiennent mon attention, je prêche pour ma paroisse avec la sclérose en plaques, en étant atteinte depuis, ma foi, plus de quarante-cinq ans. J’ai adopté un bébé diagnostiqué à l’âge de quatre ans d’une dystrophie de Steinert, dont la forme juvénile est caractérisée, presque toujours, par une déficience intellectuelle. Mon dernier combat est d’offrir une invalidité permanente aux personnes handicapées. Cela dit, j’ai du mal à écrire un livre sans qu’on en rencontre une. En connaissez-vous une?
Arlette Cousture, C.Q. écrivaine
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